Ah, ces résidents…
Quand Pascal Nordmann « squatte dans le deuxième foyer », Isabelle Daccord « occupe la loge de la costumière, située dans les cintres »… et Mathieu Bertholet écrit une « lettre aux Genevois » dans laquelle il annonce souhaiter « dormir chaque nuit à la Comédie, descendre en rappel la façade de l’institution pour y nettoyer les vitres et d’autres choses encore que la direction, prise de court devant l’avalanche de propositions agitées, est en train d’examiner » dévoile Thierry Mertenat à ses lecteurs de La Tribune.
« En dormant ici sous tente, j’ai un drôle de rapport au lieu. Je le découvre dans le silence de la nuit. C’est très effrayant. »
Promesse tenue pour ses nuits, que Mathieu passe à la Comédie, plantant sa tente au gré de ses envies, au foyer ou devant le bureau de l’administratrice.
Il joue au fantôme en se promenant avec sa lampe-torche sur la scène désertée, propose une soirée « où j’avais demandé à des amis de lire dans l’ombre des textes qui faisaient peur, ce qui était ma manière de conjurer ma frousse de dormeur solitaire dans l’antre du théâtre » et organise des « ‘infusions avant la nuit’, sorte de veillées où chacun est libre de s’exprimer ».
Innovation avec les Larmes amères de Petra von Kant mises en scène en 2001 : Anne Bisang opère un virage stylistique en offrant à la scène son double virtuel. La technologie de pointe conquiert la Maison.
Durant un mois et demi, Alexandre Baechler passe toutes ses nuits sur le plateau, seuls moments où il peut programmer les séquences de respiration bleues sur la matière inoccupée – le coquillage-trône, le rideau de perles, le sol, le mur de la chambre.
« En 2001, ce sont encore les tout débuts du mapping, se souvient-il, les logiciels, la technologie ne suivaient pas.
Nous flirtions avec ses limites.
J’ai dû créer chaque image en fonction des dimensions des différents supports pour qu’elles épousent parfaitement leurs contours et rendent l’acuité des effets de profondeur et de perspective. »
Alexandre Baechler
« Au pas de course. Ou plein gaz sur sa mobylette. Le corps noueux et éloquent. Claude Stratz vivait en survolté. Et le paradoxe, chez cet homme pressé, c’est qu’il savait prendre son temps, le dilater pour se fondre dans les théâtres qu’il hantait. »
Alexandre Demidoff
« Caroline Cons, inoubliable dans Ce soir on improvise de Pirandello, se rappelle, elle, ces rendez-vous qu’il lui fixait entre minuit et deux heures du matin. ‘Il travaillait ses acteurs au corps, nous susurrant ses conseils à l’oreille. Il était très proche de nous pendant le travail. Mais quand on le croisait plus tard, il paraissait ailleurs.’ »
Alexandre Demidoff
« La nuit, après une répétition, Claude Stratz pouvait écouter Verdi ou Wagner. Ou relire Tintin et l’oreille cassée. Ou reprendre La Recherche du temps perdu qu’il avait fait vœu de ne jamais finir, tant il l’aimait. Ou nourrir un chat orphelin. »
Alexandre Demidoff