Sa majesté
des mouches

1998
Mise en scène :
Claude Stratz
Texte :
William Golding
Adaptation française :
Olivier Chiacchiari

Délaissant ses classiques pour coller au plus près du monde et de sa violence tout en remettant en cause sa griffe, Claude Stratz adapte le célèbre roman de Golding. Un spectacle haletant, emporté par l’énergie de ses jeunes acteurs, des astuces scéniques et narratives percutantes, une scénographie vertigineuse. 

Mais son ambition novatrice sera quelque peu éclipsée par le psychodrame de l’interdiction de l’adaptation et la vive polémique qui s’en est suivie sur les droits d’auteur.

L’astucieux radeau flottant d’Ezio Toffolutti


 

Un plan sur une sphère, « semblable aux plates-formes de forage en mer. Grâce à ce décor, le metteur en scène parvient à greffer sur les dialogues de théâtre les panoramiques et les fondus enchaînés du roman. La scénographie prend ainsi en charge les paysages décrits par Golding. »

A la question de Joël Aguet se demandant si cet espace « présenté comme fini, sans les échappées latérales ordinaires vers les coulisses évoque un monde clos et sans espoir », Ezio Toffolutti répond : « C’est une interprétation possible. Pourtant, cette scénographie montre aussi un horizon. Il s’agit d’un jeu. Un jeu dont les règles se font et se défont au fur et à mesure des envies de chacun et surtout de celui qui prend la parole. C’est du théâtre. »


 

« L'idée vient du bateau. Il s'agissait de rendre compte de ce qui arrive à ces jeunes, embarqués dans une histoire terrible qui se modifie sans arrêt et les met dans des situations très inconfortables. Comme sur le pont d'un navire, le tangage et le roulis les amènent à ne jamais se sentir tout à fait en sécurité. Ils sont pourtant sur une île, mais leur situation est tellement précaire, désespérée, qu'on se demande s'ils ne sont pas en vérité sur une sorte de Radeau de la Méduse. »

Ezio Toffolutti

Décor ou scénographie?

« Le mot décor, je le comprends comme passif ; le décor accueille les comédiens qui jouent autour de lui ou devant lui. 

Depuis trente ans, il s'agit pour moi de réaliser, entre autres expériences, des espaces qui agissent ou réagissent au jeu, qui lui donnent une part de son sens, si possible.
La scénographie entre en contact avec les comédiens, elle les modifie, elle les accompagne, elle les met en situation et interagit avec eux dans le sens où va la mise en scène. »

Ezio Toffolutti

La contamination du cinéma

« Pour arrimer le roman au spectacle, Stratz a imaginé un narrateur. Bien des années après l’accident, un des garçons se souvient et raconte.

L’histoire, rapportée en voix-off, cimente les huit séquences de la représentation que Stratz a réglées comme autant de flashes-back. Une fois la dimension cinématographique introduite, la mise en scène prend la forme d’un récit filmique dont le fil est tiré avec brio » analyse Ghania Adamo pour le Nouveau Quotidien.

Sa scénographie est également « calquée sur les techniques cinématographiques, comme la plongée/contre-plongée, le champ/contrechamp ou encore l'ouverture et la fermeture à l'iris »


 

« La mobilité du radeau permet plongée et contre-plongée, champ et contrechamp. Placé en position verticale, le radeau dessine la crête d’une falaise ; horizontal, il évoque une plage. »

Ghania Adamo

« Le jeu flamboyant des acteurs »

« Vifs, précis, ils remontent la pente en culbutant, sortent de scène en sautant, vacillent dans le vide qui les attire comme la peur.
(…) Il faut jouer, composer les situations. Il faut courir, dessiner l’île par des rondes de plus en plus sauvages.
Ce n’est qu’à ce prix que ce sens prend forme » décrit Chantal Savioz dans la Tribune de Genève

« Et, de fait, enchérit Alexandre Demidoff, les acteurs jouent, à fleur de nerf, ce séisme intérieur, ce déplacement tectonique qui bouleverse le relief des sentiments. Ils font passer la panique ou l'ivresse dans leurs corps sans cesse menacés par le déséquilibre d'un plateau à bascule. »


 

« Ainsi, ce moment où les comédiens se mettent à danser de bonheur, comme des Mohicans sur le sentier de la guerre. »

« Ou, à l’inverse, cette scène d’étripage, cette bastonnade euphorique, peu après l’exécution d’une truie géante. Comme une fraternité haineuse. » 

« Dans ces moments-là, Sa Majesté des mouches semble portée par une force irrépressible »

Alexandre Demidoff

Distribution

1998, SA MAJESTÉ DES MOUCHES

D’après William Golding
Adaptation française : Olivier Chiacchiari
Production : Comédie de Genève
Du 20 janvier au 7 février 1998

Mise en scène : Claude Stratz 
Scénographie et costumes : Ezio Toffolutti
Lumières : Jean-Philippe Roy
Son : Jean Faravel
Musique : Sarten
Coiffure et maquillage : Johannita Mutter

Distribution :
Steph : Jean Liermier
Marc : Vincent Bonillo
Porcinet : Jean-Paul Favre
Simon : Frédéric Bergman
Roger : Pascal Jodry
Robert : Yves Adam
Grand frère : Vincent Babel
Petit frère : Thibaud Saâdi
Le petit : Xavier Loira

Les tout petits (en alternance) : David Baertschiger, Sébastien Coulombel, Alexis Moeckli, Aurèle Nicolet, Ulysse Prévost, Nils Sambuc

Les adultes : Philippe Brunisholz, Fabien Matthey, Gérard Morlier, Miguel Québatte, Claude Thébert
Le récit : Claude Thébert