« La Comédie ne fonctionne plus comme avant. Elle dispose désormais de trois salles : la grande salle, le Studio Claude Stratz et le Studio André Steiger.
Ce qui nous permet d’offrir un programme plus varié, d’augmenter le nombre de représentations par saison, de jouer le même soir deux spectacles », enchérit Hervé Loichemol et d’expérimenter des formes théâtrales moins conventionnelles – théâtre documentaire, musique, danse, arts visuels.
De ce « laboratoire du futur » comme le nomme le directeur de l’institution, émergent des pépites telles les mises en scène de nouvelles - Image I D’un ouvrage abandonné, de Beckett, qui inaugure le Studio Claude Stratz, d’une jauge intime de 60 places, en 2011, et Le Violon de Rotschild de Tchekhov au Studio André Steiger en 2016 ; le duo de créations autour des cabarets d’Hanokh Levin en 2014 ; les réquisitoires d’Olivier Py (l’Epître aux jeunes acteurs) et de Franz Kafka contre son père (La Lettre au père) au Studio André Steiger en 2015 et 2016.
« C’est important pour le public et pour les équipes du théâtre, qui se préparent ainsi à faire face aux exigences de la nouvelle Comédie »
La fièvre des petits formats gagne vite le plateau où Nalini Menamkat met en scène, en 2012, Olga, un regard, pour lequel, « installé en jauge réduite (70 places) sur la scène, tandis que le plateau surplombe les sièges de la salle, le public suit la difficile gestation d’un documentaire » consacré à Olga Wormser.
Trois ans plus tard, Hervé Loichemol récidive en conduisant une soixantaine de spectateurs sur la scène pour écouter Anne Durand savourer cet appel à jouir du marquis de Sade issu de la Philosophie dans le boudoir : « Français, encore un effort si vous voulez être républicains. »
Loichemol en petites formes
Hervé Loichemol privilégie déjà une petite forme pour l’une de ses 1ères mises en scène dans le cadre de l’Apéritif Théâtre de Carouge en 1977.
Il installe ainsi L’Étau de Pirandello dans un lieu de passage en équerre, au débouché des escaliers de la salle, contre le voilage de la grande baie vitrée : une chaise longue, un coffre, quelques panières à linge et des « rideaux blancs, évoquant tout à la fois le Sud, la pureté si jalousement gardée et le linge que l’on doit toujours laver en famille » précise Joël Aguet. L’espace réduit accueille à peine une soixantaine de spectateurs.
Partie intégrante de cette veine exploratrice, le Collectif de la Comédie, créé à la saison 2013-2014, « constitue un noyau de comédiens qui jouent dans plusieurs spectacles et bénéficient de contrats de longue durée » précise Hervé Loichemol.
Brigitte Rosset, Camille Figuereo, Ahmed Belbachir et Michel Kullmann ouvrent ainsi la voie à L’Ensemble (9 comédiens confirmés, 7 stagiaires issus des écoles de théâtre), prévu par le cahier des charges de la nouvelle Comédie.
« Au fond, qu’est-ce qu’une troupe ? Des acteurs qu’on se réjouit de retrouver d’un spectacle à l’autre »
Alexandre Demidoff
C’est grâce à son rôle d’Antonia dans On ne paie pas, on ne paie pas ! (2013) de Dario Fo que Brigitte Rosset entre dans le Collectif de la Comédie. Elle enchaîne avec Amphitryon (2013), Shitz (2014), Cabaret (2014), Le Roi Lear (2015) et L’Opéra de quat’ sous (2016).
Camille Figuereo incarne la prude Margherita d’On ne paie pas, on ne paie pas ! (2013). Elle joue également dans Amphitryon (2013), Shitz (2014), Cabaret (2014), Le Roi Lear (2015), et La boucherie de Job (2016).
Ahmed Belbachir accompagne Amphitryon (2013) puis retrouve la troupe dans Shitz (2014), Cabaret (2014) et Le Roi Lear (2015). Il tient le rôle principal du Violon de Rotschild (2016) avant de rejoindre Camille Figuereo dans La boucherie de Job (2016).
La troupe ordinaire, de 1913 à 1948
1926. La troupe joue Le Masque et le visage de Luigi Chiarelli (assis, au centre). Ernest et Lily Fournier (debout à droite) complètent la photo de famille.
Jusqu’en 1948, la Comédie entretient une troupe ordinaire, secondée par des vedettes.
Son importance varie au gré de la santé économique de l’institution : 45 comédiens, un record, seront ainsi engagés pour la saison 1940–41, dont un certain nombre de Français fuyant l’Occupation.
Sa composition est scrutée par la presse, en témoigne cet extrait du Journal de Genève du 20 octobre 1928 :
« D’abord, félicitons M. Ernest Fournier de la composition de sa nouvelle troupe. Elle réunit des éléments de tout premier ordre. Elle est telle, que nous ne nous souvenons pas d’avoir vu à la Comédie une compagnie de cette qualité depuis 1917. Hasard, sans doute, mais surtout : choix (…) et M. Fournier, servi cette année par le ‘divin Hasard’, a montré un discernement qu’il convient d’admirer. »