Notre formule

Juin 1913. « C’est aujourd’hui la clôture après une très brillante saison qui fait honneur au distingué directeur M. Ernest Fournier.

Signe réjouissant, les pièces de valeur littéraire semblent distancer les autres, dites gaies.

Ce résultat mérite d’être signalé. Il faut en féliciter et le public, qui fait preuve de goût, et le directeur de la salle du boulevard des Philosophes, qui l’oriente dans cette voie. »

Journal de Genève

Distribution

1913, LE PRINCE D’AUREC  

De Henri Lavedan
Production Comédie

Mise en scène : Ernest Fournier
Décors : Louis Molina
Pavane du 2e acte : Mme Gray
 

Distribution :
Le Prince d’Aurec : Claude Marty
Baron de Horn : Pierre Laubel
Vicomte de Montréjean : M. Templay
Paul Montade : M. Charpin
Marquis de Chambersac : M. Sorgel
Sorbier : M. Rys
Comte de Gançay : M. Vermeil
Baron de Bertamont : André Davier
Marquis de Fraysières : M. Bervé
Bertin : M. Loire
Dutaillis : M. Préval
Stulbach : M. André
Louis : M. Guex
Joseph : M. Zilver
Un domestique : M. Larive
La princesse d’Aurec : Mme Monys-Prad
Duchesse de Talais : Simone Charlier
Comtesse de Gançay : Monna Diaz
Vicomtesse de St-Patrice : Lucy Fleury
Madame de Serquigny : Mme Carton
Mademoiselle de Serquigny : Mme Parker

 

L'Union pour l'Art Social

Ernest Fournier va trouver les appuis nécessaires à ses ambitions théâtrales au sein de l’Union pour l’Art Social.

Fondée vers 1902 par l’éditeur Charles Eggimann, la section genevoise de cette organisation philanthropique se donne pour tâche d’« initier à l’Art le public très nombreux qui, par suite de sa situation économique, est tenu éloigné du mouvement artistique. Le terme d’Art Social marque cette idée que le Beau ne doit pas être l’apanage d’une classe, mais que les jouissances qu’il procure doivent être le patrimoine de tous », y compris les ouvriers et les petits employés.

L’Union propose ainsi des spectacles à prix réduits, voire gratuits – concerts, projections et musique, soirée littéraire et musicale, séances littéraires, représentations dramatiques, matinée enfantine – accompagnés de causeries destinées à « former et élever le goût du public. »

Interview d'Hervé Loichemol, directeur (2011-2017)


 

William Viollier, « Monsieur de l'Art Social »

Ernest Fournier, directeur

Henry Baudin, architecte

Membres de l’Union, William Viollier, surnommé « Monsieur de l’Art Social », futur administrateur de La Comédie, et Henry Baudin, son futur architecte, accompagneront Ernest Fournier dans sa fondation de l’institution.

Comment rendre au théâtre sa dimension populaire ?

Problématique récurrente qui se repose ici, en 1968, dans un dialogue aux préoccupations étonnamment contemporaines entre Walter Weideli, journaliste, traducteur, auteur de pièces à tendance politico-moraliste, et Louis Gaulis, auteur dramatique.

« Naturellement, vous ne pouvez pas à la fois engueuler les gens et demander à ce qu’ils viennent vous voir… Mais vous pouvez mettre le doigt sur les questions qu’ils ne se posent pas »

Walter Weideli

Les idéaux de 1913

Une situation entre culture populaire et élitaire

Proche de la Place Neuve et des quartiers populaires de la commune de Plainpalais, c’est-à-dire de la culture élitaire et du public visé, l’emplacement du boulevard des Philosophes retient l’attention des promoteurs.

Contrairement au Conservatoire de Musique et au Grand Théâtre, majestueusement isolés sur leur terrain, La Comédie s’insère sur une parcelle de 880m2, dans la continuité des immeubles locatifs adjacents.


 

Une troupe ordinaire

Jusqu’en 1948, La Comédie entretient une troupe ordinaire, secondée par des vedettes. Son importance varie au gré de la santé économique de l’institution : 45 comédiens, un record, sont ainsi engagés pour la saison 1940-1941. 


 

Un répertoire littéraire 

Ernest Fournier aspire à privilégier les œuvres « nobles » au rythme d’une pièce par semaine et d’une matinée classique le jeudi, ouverte au jeune public des écoles et des pensionnats de jeunes filles.

Il se risquera occasionnellement à monter des textes modernes, créant, par exemple, la dramatique Exaltation d’Edouard Schneider en 1928, ou produisant la Jeanne du moraliste Henri Duvernois en 1933 – deux vifs succès populaires.

1933, Le médecin malgré lui, maquette des costumes de Jean-Louis Gampert

1916, Roméo et Juliette, croquis des compositions de groupes de Serge Pahnke

1928, Exaltation d’Edouard Schneider

1933, Jeanne d’Henri Duvernois

Eugène Fabre, rédacteur en chef de La Suisse

« Le public rend-il assez justice à l’effort des pensionnaires de notre Comédie : il leur faut sans cesse interpréter de nouveaux rôles, alors que leurs camarades parisiens mènent jusqu’à la centième des rôles longuement préparés. »

Pendant ce temps, au Vieux-Colombier

Admiratif sans toutefois adhérer à ces principes, Ernest Fournier invitera Jacques Copeau à La Comédie en 1915.

Privé de ses acteurs engagés au front, ce dernier acceptera et montera avec la compagnie maison quelques-uns de ses succès parisiens, dont Barberine de Musset et Le Pain de ménage de Jules Romains. 

Jacques Copeau

Critique littéraire, acteur, metteur en scène et directeur de troupe, Jacques Copeau fonde le Théâtre du Vieux-Colombier à Paris en 1913 afin de rendre à la scène « son lustre et sa grandeur »


 

« Pour l’œuvre nouvelle,
qu’on nous laisse un tréteau nu »

Absence de décor, jeu des lumières, des matières, des couleurs et des costumes, niveau professionnel exigeant des acteurs : son esthétique triomphe dès 1914, avec sa retentissante Nuit des rois de Shakespeare.

La réalité budgétaire

« La Comédie ne pourrait-elle pas tenter des spectacles inédits ? Un grand nombre de manuscrits sont déposés chez elle ; pourquoi ne les joue-t-on pas ? »

« M. Viollier, l’aimable administrateur de La Comédie, m’a répondu à ce sujet et ses raisons ne sont pas sans valeur.
La Comédie, avant tout, doit vivre. Pour le moment, elle ne peut pas courir le risque de monter une pièce qui ne ferait que quelques demi-salles.

Ajoutons que le public genevois n’est guère encourageant dans son dédain des nouveautés. Quand le Grand-Théâtre lui offre Siegfried, Pelléas et Mélisande ou L’Etranger, il ne se dérange pas. »

Robert de Traz

« Les réalités financières sont claires : au point de vue financier, ce sont les pièces gaies seules qui permettent à l’entreprise de vivre, mais la promotion constante du grand répertoire met peu à peu en valeur la démarche de Fournier dans la Cité de Genève et les pièces dites ‘modernes sérieuses’ prêtent à ce théâtre son rôle de miroir des courants artistiques du temps » éclaire Joël Aguet. 

« Au fond, à Genève, il n’y a pas assez de snobs : je veux dire de gens pleins de bonnes intentions, désireux de se montrer et dociles aux indications des personnes compétentes »

Robert de Traz

1934, Mozart de Sacha Guitry

« Ce sont les pièces gaies seules qui permettent à l’entreprise de vivre »

1932, La Banque Nemo de Louis Verneuil

Un sauvetage désespéré

La radio à la Comédie?

En mai 1934, le Journal de Genève se fait l’écho des rumeurs qui circulent en ville : le Conseil administratif aurait proposé à M. Fournier de s’héberger au Grand-Théâtre, en perte d’éclat, tandis que la Radio prendrait possession du bâtiment des Philosophes.

Engloutissant la fortune familiale, Ernest Fournier s’échine à maintenir son institution à flots sans – trop – trahir ses idéaux. Mais la presse lui reproche sa programmation pragmatique, les somptueux galas donnés au profit des actionnaires, un classicisme confortable.

Dès 1914, est créée la Société auxiliaire du Théâtre de La Comédie, chargée de trouver les ressources nécessaires pour couvrir les déficits d’exploitation et financer des productions audacieuses.

Outre les affres inhérentes à la gestion d’un théâtre, Ernest Fournier doit affronter un contexte historico-économique peu propice : Première Guerre mondiale, grippe espagnole, crise de 1929, les épreuves se succèdent.

Epuisé, le fondateur de La Comédie meurt ruiné le 9 décembre 1937.

Légende

Lettre d'appel aux dons de la Société auxiliaire de La Comédie