Bobosse

1978
Mise en scène :
Jean Bruno
Texte :
André Roussin

Un thème – l’amour trompé – jugé inépuisable et irrésistible. La troupe des Philosophes saluée pour l’excellence de son interprétation. Le talentueux décor de Roland Deville. Tous les ingrédients du succès sont réunis. Et pourtant. Four fracassant, ce vaudeville consacre la rupture entre Richard Vachoux et la presse culturelle qui lui reproche d’imiter les galas bourgeois, dont il s’est séparé à grands frais, au lieu de privilégier l’audace de l’avant-garde.

Une troupe au meilleur d’elle-même…

« Richard Vachoux, pommadé, le cheveu rajeuni, enlève la pièce à un rythme déchaîné. Antoinette Martin, à voir la manière dont elle sait s’asseoir, jambes croisées, nuque altière, découvre dans le boulevard une seconde nature. Sans parler de Jean-Charles Fontana, bègue superbe et… volubile »

Catherine Unger

… pour un four retentissant

Brillantes interprétations, échec populaire. Bobosse enregistre le taux de fréquentation le plus bas de toute la saison, derrière Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia.

Bobosse de Jean Bruno

Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia

A boulets rouges
contre le théâtre de consommation


 

« A vouloir racoler tout le monde,
on ne gagne l'estime et la fidélité de personne »

Daniel Jeannet

Si la presse parisienne se réjouit qu’un « vent nouveau souffle au cœur de la cité de Calvin » parce que « la Comédie renoue courageusement avec le théâtre de divertissement », il n’en est pas de même pour ses confrères locaux.

Bobosse consacre en effet la rupture  entre Richard Vachoux et la critique théâtrale qui se demande dès lors, à l’instar de Catherine Unger de La Suisse « pourquoi il s’est séparé des Karsenty-Herbert… ».

La polémique se cristallise dans les colonnes du Journal de Genève : Daniel Jeannet accuse : « loin d'opter nettement pour un changement d'orientation, il s'est enlisé dans les demi-mesures et les compromis. (…) Il a quelque peu élargi le répertoire défendu par son prédécesseur, mais il n'a pas voulu opter clairement entre Wedekind et Roussin, Feydeau et Handke.
M. Talmès, lui, conclut-il, était cohérent dans ses engagements : entre deux galas parisiens, il ne dépaysait pas son public et ne perdait pas d'argent. » 

« Quand un directeur a du talent et qu'il respecte son public, il a beaucoup de chances de remplir son théâtre. 

Aux débuts du TNP, Vilar a rempli Chaillot envers et contre l'hostilité de la presse à grand tirage, et sans jamais consentir à monter des pièces de boulevard. Il pensait qu'un service public comme le TNP devait se dévouer pour d'autres causes. 

Quand il fut nommé directeur de la Comédie de Genève, il y a quelques années, M. Vachoux invoqua l'exemple de Vilar. 
Nous fûmes alors de ceux qui s'en réjouirent et qui ouvrirent passionnément le débat, chaque fois que le nom de Vilar nous semblait galvaudé.
Comme M. Vachoux a commis plus d'imprudences qu'il n'a pris de véritables risques, il semble attacher moins d'importance à des convictions profondes qu'à l'opinion publique et à la presse en particulier. 

L'important, dirait-on, est d'appâter le public coûte que coûte, dût-on le tromper. 
Vilar ne se contentait pas de faire passer le spectateur à la caisse. Il le faisait reconduire en car dans sa banlieue parisienne, après l'avoir fait vibrer devant de beaux spectacles qui affirmaient l'espoir de possibles changements. »

Daniel Jeannet

« M. Vachoux semble attacher moins d'importance à des convictions profondes qu'à l'opinion publique et à la presse en particulier »

Pourquoi revenir à Bobosse ?

« Alors je lance un appel au public :
‘Voulez-vous Bobosse ?’ »

Face à la question qui a taraudé toute la presse, Richard Vachoux s’est expliqué :

« Je constate que le public et la presse – je les mets dans le même sac – n'accueillent pas avec assez de chaleur nos spectacles les plus ouverts à des références contemporaines. Alors je lance un appel au public : ‘Voulez-vous Bobosse ?’ 
J'assume la responsabilité de ce test très manichéen.
De toutes parts, même dans la maison et au sein du Conseil d'administration, j'ai été attaqué à ce sujet. 
Ce qui est fait est fait. Mais, désormais, je sais qu'il ne faut plus faire marche arrière (…) »

Confessions

« Toi : Mais alors, donne-le moi, qu’on rie un peu, l’exemple d’une pièce de merde que tu as transfigurée ?
Moi : Bobosse !
Toi : Bobosse ?
Moi : Bobosse. Chef-d’œuvre du boulevard, de la crasse bourgeoise. Je savais sciemment ce que c’était, et que je le faisais par une complaisance vicieuse avec le public bourgeois. 
Toi : Formidable. Mais du coup, quelle part pouvait bien venir de toi-même ?
Moi : Je laissais toujours entendre, en jouant : ’Ecoutez, comme c’est médiocre ce que je dis, à côté de la manière dont je le dis.’ C’est tout.
Toi : Autrement dit, la vérité de ton être et de ton jeu étaient magnifiés par la médiocrité de ce que tu disais.
Moi : Si tu veux. 
Toi : Donc dans un sens on pourrait tirer la corde jusqu’à dire qu’une mauvaise pièce est meilleure matière pour un bon comédien.
Moi : Exactly. »

Richard Vachoux, Julien Lambert, Rêverie d’un acteur solitaire

Distribution

1978, BOBOSSE 

D’André Roussin
Production Comédie de Genève
Du 24 janvier au 11 février 1978

Mise en scène : Jean Bruno
Décor et costumes : Roland Deville
 

Distribution :
Michèle Amoudruz
Josette Chanel
Antoinette Martin
Jean Bruno
Jean-Charles Fontana
Nicolas Rinuy
Sacha Solnia
Richard Vachoux