Quisaitout
et Grobêta
Benno Besson
Coline Serreau
Avec son titre, « on pense au mauvais livre d’images pour les gosses, à la bande dessinée débile, à une histoire bébêtement didactique s’amuse Jean-Bernard Mottet dans les colonnes du Courrier. On découvre au contraire un conte d’une piquante drôlerie, un texte qui vous saoule de plaisir, une mise en scène qui défie les lois de la physique », et rafle 4 Molière, en 1994, au Théâtre du Châtelet.
Simple et délicieux, ce « théâtre qui a des subventions pour se payer des effets techniques tout pleins de bonheur » oppose pourtant, radicalement, gourmands et frugaux.
« Il en va de la naïveté comme de la guimauve : trop léchée… »
Subjugués, les fans du théâtre féerique de Besson encensent, à la suite de Stéphane Bonvin du Nouveau Quotidien, cette « pièce montée, dégringolade de rideaux en soie comme de la chantilly, du rose, du bleu, du kitsch et des anges qui descendent du ciel chevauchant des hippocampes en argent. » Des hippocampes « very camp ».
Dans les colonnes de La Tribune, Benjamin Chaix défend « une charge gentiment sarcastique, une tendre histoire d’amitié et d’amour qui se love dans la soie glissante et le carton peint. Un monde où le spectateur amoureux de théâtre saute à pieds joints, loin de la civilisation du fax, de l’ascenseur et du tiramisu ! »
« Le mieux, conclut Jean-Bernard Mottet au Courrier, c’est encore d’aller s’y rafraîchir l’œil et l’esprit. De goûter simplement au plaisir que procure un spectacle magnifique, où les effets sont là pour ça, où le rire vous aspire sans gêne dans l’imaginaire. »
« … elle devient terriblement écoeurante »
« Fidèle à son style, Jean-Marc Stehlé construit des édifices fabuleux à coups de tissus vaporeux et de lumières indirectes. Son bateau est ahurissant, son château féerique.
Mais pourquoi se laisse-t-il prendre au jeu des trucs racoleurs ? Un tel envahissement technique nuit à la fraîcheur de la fable et au talent des comédiens », reproche Isabelle Fabrycy dans Le Matin.
Et si Jean-Michel Olivier avoue à La Suisse, du bout des lèvres, que « cette fable drolatique connaît quelques temps morts, que les personnages secondaires sont à peine esquissés et la conclusion laisse un petit goût d’inachevé », Béatrice Shaad dénonce, sévère, dans L’Hebdo le « truc éprouvé » :
« Coline Serreau joue des contraires jusqu’à plus soif. On l’aura compris, le gros à lunettes a un cœur ‘gros comme ça’, le long maigre organise l’univers en fonction de son ombilic (…)
Goulue, Coline Serreau a visé large : ‘Ils évoquent le masculin et le féminin, le blanc et le noir, le mondain que nous sommes à certaines heures et celui en nous qui est en bas (…).’ »
Ah, la « chanson finale (…) avec anges descendus du ciel, nacelle garnie de plumes d’autruche et musique d’opérette.
Bien entendu, les pédants et autres culs cousus lèvent les yeux au ciel. Ils n’iront pas plus loin, car Besson reste Besson. Et personne n’ose vomir publiquement sur sa dernière création.
Ce serait trop ressembler à Grobêta rendant son caviar et ses langoustes du haut du bastingage. »
Benjamin Chaix
« Trop de démonstration tue,
et lorsque les anges font pousser de l’herbe et des sapins sur le plateau,
on se dit que la magie du théâtre a rudement perdu de sa poésie. »
Isabelle Fabrycy
« Benno Besson a bien sûr son idée sur ce qu’est la magie du théâtre. Mais il sait surtout la communiquer en harmonisant à la perfection tous les composants d’une alchimie ludique dont il détient finalement seul le secret… »
Un secret que Brigitte Mantilleri a tenté de percer, un beau soir de mai, pour le Journal de Genève, en vivant la représentation côté coulisses. « En chemin, Bruno pointe son doigt sur mon pullover tricolore : ‘Jamais de blanc dans les coulisses. »
« Une voiture en carton traverse la scène. Jetée côté cour, elle me propulse contre l’uniforme du Securitas du service. Le rideau tombe. »
« Cinq machinistes, ils sont neuf en tout, mettent en place le bateau : un long plateau muni d’un mât retenu par des cordes et des poids. Craquements, grincements, intensité de l’effort musculaire, le plateau est poussé puis placé en position horizontale.
Pendant la scène, sur fond de soie bleu-mer, à chaque tangage, Bruno, accroché à une corde, s’envole dans les airs et retombe pour s’arc-bouter entre les poids. Les acteurs grimpent et descendent l’échelle, courent sur le pont retenu à la force de dix poignets. »
« Je me coince, côté jardin, derrière un hippocampe qui va prendre son envol et Bruno qui actionne la poulie. Des anges passent, sautent sur le dos de l’hippocampe, repassent. Rien d’éthéré.
L’un d’eux m’écrase le pied avant de cogner ses ailes contre la paroi. Précisons que ce lieu de passage est large de… 50 centimètres. »
« ’Ils sont moins bons qu’hier’, s’exclament les machinistes qui récupèrent les mannequins ailés »
Distribution
1993, QUISAITOUT ET GROBÊTA
De Coline Serreau Mise en scène : Benno Besson |
Distribution : Quisaitout : Gilles Privat Grobêta : Coline Serreau La Baronne : Trinidad Iglesias La Pianiste : Muriel Combeau Adèle, Angeline : Pauline Hemsi Mathilde, Angelisse : Alice Varenne Lui 1, Stéfange : Stéphane Haméon Lui 2, Angémi : Emilien Tessier Lui 3, Angenetti : Christian Zanetti Chapeau Rouge, Angissé : Jean-Charles Fontana Julie, Angenic : Nicolas Serreau |