Le Misanthrope
André Steiger
Molière
Sept ans plus tard, le classicisme tant décrié de Ruy Blas ravit le public comme il électrise la critique, qui souligne l’excellence d’une beauté et d’une cohérence académiques « comme on aimerait en voir… le plus souvent possible dans le cadre des productions locales. »
Molière contemporain : c’est complètement faux !
« Ah ! c’est vraiment un chef-d’œuvre… c’est difficile d’utiliser des termes dithyrambiques, mais c’est la troisième fois que je fais un décor pour ‘Le Misanthrope’, et je crois que je pourrais recommencer dix fois ! »
Sans jamais céder aux sirènes des costumes modernes ni aux effets de télescopages contemporains. Claude Lemaire est catégorique : elle ne croit pas à l’actualisation des classiques, cherchant plutôt à « faire une mise en image qui permette de poser un regard sur le théâtre du XVIIe en montrant qu’il y a une proximité avec cette époque en ce qui concerne le contenu des pièces, tout en insistant sur la théâtralité des textes. »
10 200 spectateurs
en 15 représentations
« Preuve soit du plaisir des spectateurs le silence total (et l’attention… inattendue) des grands adolescents remuants – Molière est au programme des gymnases – qui constituaient ce soir-là la majorité du public ! »
Renée Thelin
Une brochette de comédiens de haut vol
« Fort classique sans doute, l’interprétation qu’il nous est donné de découvrir ici épouse parfaitement l’œuvre et, surtout, nous restitue toute sa complexité »
« Les profils de tous les personnages sont convaincants ; la plupart sont disséqués ‘gestuellement’ (Alceste et ses excès) et ciselés par une recherche de nuances au niveau de la façon de dire les vers. Ce parfait cadrage de caractères permet de bien sentir le délire passionnel d’Alceste ou l’ambiguïté de Célimène et les rôles sociaux inversés qu’ils jouent. »
Jean-Pierre Althaus
« Jacques Denis propose un Alceste extraordinaire, déchiré, torturé, pathétique, émouvant. Et c’est bien là, en effet, la réelle dimension de ce personnage auquel ce remarquable comédien confère sa juste signification. »
« Claude Mathieu, elle aussi, donne à Célimène son véritable visage. Non pas celui d’une coquette douée d’une certaine virtuosité dans la rouerie mais celui d’une très jeune femme, légère sans doute mais surtout imprudente, se lançant dans un jeu dont elle ne mesure pas les périls et dont elle sera la victime. »
« Les deux marquis (Jacques Michel et Dominique Gay) ne sont pas les freluquets enrubannés auxquels on a été habitué. D’emblée, et même lors de leurs rires ridicules et stridents, on mesure combien ils peuvent être, ils sont redoutables… »
« … autant et même plus qu’Arsinoé, la fausse prude, incarnée avec autorité par Corinne Coderey remarquablement présente. »
« – Steiger, comme Vitez – ou si l’on préfère, André comme Antoine – sait prendre les comédiens avec leurs caractéristiques particulières.
Mais dans la façon de travailler, il y a une différence : avec Vitez on commence tout de suite à jouer, alors que Steiger propose en préliminaire un discours sur la pièce dans lequel il présente ses intentions, ce qu’il voudrait dire. »
Claude Mathieu – Célimène
Director made in US
« Stature imposante, cigare au bec, le crâne reluisant, telle est l’image du type du metteur en scène américain, mais c’est celle aussi de notre ‘personnage’. M. Steiger.
Nous attendions un homme au langage raffiné, aux manières réservées, et il ne ressemblait pas du tout à cela.
En effet, s’il possédait une totale maîtrise de son art et des connaissances universelles, ses qualités étaient mises au second plan par une attitude quelque peu vulgaire et une démagogie flagrante…
Sans doute M. Steiger croyait-il que parler de façon relâchée de ‘nanas’, de ‘mecs qu’on emmerdait’, etc… améliorerait ses contacts avec nous. En fait, la réaction générale fut l’opposé.
Par contre, la dernière partie de notre entretien a été enrichissante : nous avons récité, par groupe, plusieurs extraits du Misanthrope. Là s’est révélé ‘le’ metteur en scène. Il nous a conseillés, corrigés, et nous a appris à rendre plus vivant notre texte. »
Chronique des élèves de la Gradelle, 9LB, 1981
« Certains le [André Steiger] détestaient à un point terrible, parce qu’il arrivait à la première répétition avec un énorme dossier, il tournait les pages une à une, et disait : ’Voilà, quand on les aura toutes tournées, on aura réalisé notre spectacle.’
Et c’était vrai : il ne nous disait rien, aucune indication, aucune direction de jeu, rien ! Il nous nourrissait avec un tas de pages, c’est tout. »
Richard Vachoux
« Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable ? »
Malicieuse interrogation de Célimène que la presse s’empresse de reprendre au sujet de son interprète, Claude Mathieu, jeune pensionnaire de la Comédie-Française « dont on devine la malléabilité d’interprétation ».
Qualité qui a trouvé sa pleine expression grâce à « une nouvelle méthode de travail passionnante, raconte Claude Mathieu. André avait un parti pris clair. Il n’a commencé le travail sur l’acteur qu’après une grande période d’explication autour de la table » où « il a insisté sur la mise en évidence de la sonorité des vers de Molière. Nous avons beaucoup travaillé sur le langage en essayant de faire ressortir toutes les nuances du texte. »
« C’est aussi un metteur en scène qui sait s’adapter à chaque tempérament. Il est ouvert, il tient compte des propositions faites par les comédiens. »
« Il est vrai qu’elle n’a rien d’une ’jeune première parisienne’ qui se prendrait très au sérieux »
« Peut-être faudrait-il ajouter qu’il s’agit d’une des comédiennes les plus prometteuses de sa génération ? »
Frank Fredenrich
Distribution
1981, LE MISANTHROPE
De Molière Mise en scène : André Steiger |
Distribution : Fabienne Barraud Corinne Coderey Jacques Denis Dominique Gay François Germond Roger Jendly Claude Mathieu Jacques Michel Claude Vuillemin |