Du côté
de chez Proust

De cette constellation de personnages, émerge celui de l’Auteur, « qui prend en charge la narration de l’histoire, et dont la quête et le langage rappellent celle du narrateur du Côté de chez Swann. »

« C’est toute l’originalité de la pièce de Mathieu que d’avoir construit 1913 sur le mode du souvenir.
Ce souvenir est fait de miroirs déformants : à travers lui, certains événements qui ne sont que des détails ‘grossissent’, alors que d’autres, plus remarquables, s’effacent.
Il y a tout un jeu de mémoire qui se tisse entre ce qui est resté net et ce qui est devenu flou. »

Nalini Menamkat

S’y mêlent ce projet fou – l’utopie de l’art pour tous – l’inauguration de la Comédie, la représentation de la pièce inaugurale, Le Prince d’Aurec d’Henri Lavedan, les soubresauts de l’Histoire, les options architecturales, les rêves et les compromissions.

S’y côtoient Ernest Fournier (directeur), William Viollier (administrateur), Henry Baudin (architecte), Lily Brélaz (comédienne et femme d’Ernest), Jacques Copeau (fondateur du Vieux-Colombier la même année), De Horn et la princesse (héros du Prince d’Aurec)…


 

« Très vite, le spectateur comprendra qu'il est emmené ailleurs, qu'il ne voyage pas dans les archives mais dans le souvenir, subjectif, remodelé »

Livia Bouvier


 


 

Du côté de chez Proust…

Marcel Proust

« On repère d’abord de Proust l’atmosphère, le coulé de la phrase. On le débusque dans une formule retrouvée, ou au détour d’une construction syntaxique », analyse Hinde Kaddour. « L'écriture, d'une préciosité revendiquée, multiplie les listes, les citations de Proust reformulées en aphorismes à la Guitry », ajoute Julien Burri de L’Hebdo.

Et Mathieu Bertholet de préciser sa démarche d’écriture au Nouvelliste : « ce jeu sur la mémoire renvoie directement au premier temps de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust, paru en 1913. On pourrait en dire qu'il s'agit d'un type enfermé dans sa chambre qui se rappelle ce qu'il a vécu... Dans ces souvenirs, racontés dans le désordre, émergent des détails qui deviennent énormes, comme la description de l'odeur d'une madeleine. »

Mathieu Bertholet


 

3. (Dans la plaine.)

« AUTEUR — Longtemps, je n’étais plus allé au théâtre, de peur de ne plus la retrouver, de peur de ne pas pouvoir revoir ce souvenir, cette représentation du 28 janvier 1913. Dans mon souvenir, cette soirée est toujours éclairée par ce même lustre en verroteries, baignée de cette même odeur de parfum capiteux des femmes de première, et de tout ce public mondain, décolleté, harnaché de perles, d’aigrettes, de plumes d’autruches, ce côte à côte de fracs et de tulles, de vestons et de bandeaux, les loques voyantes… Et si je n’insiste pas, c’est qu’il faudrait, pour bien décrire ce public de première, signaler mille nuances de snobismes, de sur-snobismes, de contre-snobimses, d’über-snobismes nécessitant à eux-seuls toute une scène, et tout le personnel d’un drame élisabéthain, et ce n’est pas cela que je veux raconter… »

« C'est en fait une tentative de transposer au théâtre sa manière de raconter une histoire »


 

Plan de scène de 1913

…au pas de course

Contrairement à ses deux ou trois années habituelles, Mathieu Bertholet n’a eu que six mois pour écrire 1913 – des conditions bien différentes de celles qui ont engendré la rédaction de Méphisto/ rien qu’un acteur , commandé en 2002, mis en scène en 2006. 

La raison ? « Il faut savoir que décors, costumes et nombre de personnages étaient déjà décidés avant que je commence à écrire. Car la Comédie est une grosse machine, la production des décors et des costumes, le choix des comédiens intervient largement en amont de la première. »