Monodrame
sur musique postdestruction

Initiée par le Wagner Geneva Festival en 2013, la création mondiale de Siegfried, Nocturne, réunit Olivier Py pour le texte, Michael Jarrell pour la musique et Hervé Loichemol à la mise en scène.

Le trio a travaillé d’arrache-pied en un temps record. « Environ une année, c'est très peu pour un projet de ce type, souligne Jarrell.
De quel type au juste ? ‘Un chanteur soliste, une dizaine de musiciens (avec deux percussions) et trois filles du Rhin.’ Donc, à l'opposé de la lourdeur wagnérienne... »


 

« Comme un livre qu’on adapte pour le cinéma »

Michael Jarrell, compositeur

« Olivier a réalisé un remarquable travail à travers ce livret d'opéra, mais la densité de sa production écrite est telle qu'avec sa permission, j'ai travaillé sur une adaptation de son récit, plus concise et sans doute plus appropriée à une lecture véritablement musicale, chantée de l'œuvre » raconte Michael Jarrell.

Olivier Py, librettiste


 

« J'ai pensé l'oeuvre en trois parties
dans la première partie, l'écriture de la voix est encore à forte teneur héroïque, qui oblige le baryton Bo Skovhus à chanter dans les aigus de sa tessiture, pour évoquer cette volonté d'aller de l'avant, de revivre et de comprendre, pour arriver à la troisième partie où son chant se teintera de graves pour mieux accompagner une forme de décomposition vers la poussière. »

« Nous nous sommes tout de suite compris. A tel point qu’il m’a laissé carte blanche pour couper les deux tiers de son texte… »

Michael Jarrell

Siegfried, héros KO debout, avec maestria

« Michael Jarrell a composé sur mesure une partie vocale qui écartèle le registre du chanteur, analyse Sylvie Bonier pour La Tribune. Du murmure guttural aux aigus soufflés, entre des lignes mélodiques incantatoires, le compositeur n’a pas épargné le soliste. » 


 

« Pendant plus d’une heure, le baryton Bo Skovhus porte, à bout de voix, le rôle harassant du héros déchu qui revient après le grand cataclysme. On imagine difficilement un autre interprète pour incarner ce rôle », conclut Sylvie Bonier, admirative.

Tout comme Carine Taillefer qui chante ses louanges pour ses lecteurs du Courrier : « Bo Skovhus campe un Siegfried superbe, blessé, majestueux dans son errance. Que fait le héros lorsque la guerre est dite finie ? » 


 


 

« Il règne, débardeur de bagnard sur peau blême. Sa voix déchire. Son jeu émeut. »

Alexandre Demidoff

« Il ne manque rien à ce spectacle exemplaire »

« La mise en scène sobre, ramassée et signifiante, dit aussi beaucoup, avec peu. Un casque, une épée, un linceul et une toile protectrice de tableau servent d’appui à l’effarement de l’acteur », approuve Sylvie Bonier.

De g. à dr. : Hervé Loichemol et Bo Skovhus – Siegfried, en répétition


 

Voulue par Hervé Loichemol, la scène finale magnifie le parti pris imposé par Olivier Py et Michael Jarrell : pas de rédemption !

Alors, à l’instar d’Alexandre Demidoff du Temps, le public se retrouve « sonné par la surprise. Il est 20h15 à la Comédie de Genève. Un aigle survole nos têtes et plante ses serres sur le balcon. Dans cet envol, le mirage de la légende, celle de Siegfried, le héros wagnérien (…)  »

« Lorsque l’animal traverse la salle dans un bruissement d’aile, le public reste interloqué par tant de beauté, sur tant de douleur »

Sylvie Bonier

Sherkan, du GSHC à la Comédie

L’aigle-messager qui, « traverse la salle dans son entier, passant d'un fauconnier à l'autre comme pour nous rappeler la fragilité de notre monde » n’est autre que Sherkan, le pygargue à tête blanche mâle qui électrise la patinoire des Vernets à chaque match du GSHC. Très habitué des vols intérieurs, il n’a eu besoin que d’une seule répétition pour assurer sa prestation.

Cassandre : l’opéra parlé

« Cet ‘opéra parlé’ – ou ‘monodrame’ – de Michael Jarrell ne ressemble à rien. Ce n'est pas un opéra, puisqu'il n'y a pas de chant. Ce n'est pas une pièce de théâtre, puisqu'il recèle une partition », tente de circonscrire Julian Sykes dans les colonnes du Temps

Adaptation musicale d’un texte de Christa Wolf créé en 1994 au Théâtre du Châtelet, Cassandre est remaniée vingt ans plus tard : fi du choeur grec, Jarrell « resserre son écriture musicale autour du monologue poétique de la prêtresse troyenne oubliée des dieux et des hommes. La musique de Jarrell n'illustre pas le discours de la Troyenne, elle est Cassandre elle-même, ses souvenirs et son présent, ses cris, sa colère, ses blessures, son amour pour Thésée » précise Kathereen Abhervé de Scènes Magazine.

« S'il a choisi de ne pas faire chanter Cassandre, c'est parce que le récit se fait entièrement sous la forme d'une remémoration, après que Cassandre a perdu les siens. »

Julian Sykes

Une actrice pour incarner la prophétesse troyenne

C’est un souhait du compositeur genevois. Une actrice accompagnée par un ensemble de 18 musiciens. En 1994, Marthe Keller illuminait le Châtelet. En 2015, à la Comédie, Fanny Ardant subjugue.


 

Metteur en scène, Hervé Loichemol « s’est incliné devant cette ’perdante magnifique’ en créant pour elle un espace blanc, intemporel, carcéral, implacable, plaçant les musiciens en retrait dans l’ombre, sur une galerie à plusieurs mètres de haut. »

« Aucun geste inutile, pas d'effets spectaculaires. Une sobriété pour dire l'intime. La voix sensuelle et grave célèbre entre toutes, murmure, palpite, s'enfle pour restituer toute l'émotion du texte. Ardant respire avec la musique de Jarrell, s'interrompt pour elle. Ce monologue de près d'une heure est une sacrée performance. »

Kathereen Abhervé

« En Cassandre, Fanny Ardant est hors de tout, des normes, du temps, de la scène. Tout simplement époustouflante. »

Arte

L'Opera de quat'sous :
le nouveau théâtre musical

L’évidence pour Joan Mompart

Après le succès retentissant remporté par On ne paie pas, on ne paie pas ! de Dario Fo, Joan Mompart pousuit dans la veine de l’engagement social et s’attaque à L’Opéra de quat sous du duo Brecht-Weill. Une évidence de fond si ce n’est de forme.


 

« L'Opéra de quat'sous a la beauté de ce qui naît. Il met en musique les principes du fameux théâtre épique que Brecht va par la suite développer. »

Joan Mompart

la recherche de l’opéra originel

« A chaque fois que l’on écrit une œuvre musicale dramatique, on retrouve la même question : comment la musique et, surtout, le chant au théâtre sont-ils tout simplement possibles ? Cette question a été résolue ici de la manière la plus primitive. J’avais une action réaliste, la musique devait donc s’y opposer, puisque telle n’est pas sa nature. Ainsi, l’action était interrompue pour laisser place à la musique, ou bien elle était consciemment conduite vers un point où le chant devait simplement apparaître. »

Lettre de Kurt Weill à Anbruch, janvier 1929

Kurt Weill

« Bertolt s’inspire de L’Opéra des Gueux – The Beggar’s Opera -, cette pièce que le Britannique John Gay écrit dans les années 1720. C’est Elisabeth Hauptmann, sa maîtresse, qui traduit. Kurt, lui, puise en pirate dans le jazz, le cabaret, les grands airs d’opéra, la matière de sa musique. »

Alexandre Demidoff

Bertholt Brecht

Chants, songs et Lied : l’incursion de la poésie dans une pièce politique

« Si je fais du théâtre, c'est parce que j'ai lu, adolescent, Le Manifeste du surréalisme.
L'Opéra de quat'sous répond à ça : par les songs, il permet d'échapper au réel pour mieux l'interroger »

Joan Mompart


 

Lucie Rausis – Lucy et Charlotte Filou – Polly

François Nadin – Mack

« Le chant, pour les personnages, est un moyen de se soustraire au drame quotidien, de se soustraire aux jugements, aux règles, à la morale, mais surtout de se ‘définir’, voire de dévoiler qui ils sont vraiment », analyse Joan Mompart. « Il permet de dire les choses autrement. Si le texte non chanté s'adresse au cerveau du spectateur, le chant atteint d'autres zones. »

« Les chansons se succèdent sur un rythme trépidant, laissant peu de place aux parties parlées, très intelligemment resserrées »

Armelle Héliot

Charlotte Filou – Polly, et Joan Mompart, metteur en scène

« Il y a une part de déraison induite par le chant. Qui contamine celui qui écoute. Cette empathie suscitée par le chant vient probablement d’un moment où la musique se rassemble, de cet instant d’exception que nous recherchons pendant les répétitions. »

Joan Mompart 

Le tube

Ouvrant l’histoire du redoutable Mackie Messer, La Complainte de Mackie devient un énorme tube, inspirant près d’une centaine de reprises.

Sa version anglaise Mack the Knife, écrite par Marc Blitzstein, devient, elle, un standard de jazz immortalisé, entre autres, par Louis Armstrong, Frank Sinatra ou Oscar Peterson. C’est durant son concert « Ella in Berlin » en 1960, qu’Ella Fitzgerald, frappée d’un trou de mémoire dès le 3ème couplet, improvisera, sans se démonter, le reste des paroles et livrera un scat d’anthologie sous les clameurs du public. 

François Nadin – Mack (traduction française : Jean-Claude Hémery)

Cabaret

Sélection de textes courts et de passages chantés issus de deux recueils d’Hanokh Levin, Cabaret déplace un public restreint au Studio Claude Stratz.
Et propose un autre rapport au théâtre – groupés autour d’une table de bistro, sirotant un verre.

« Deux femmes, deux hommes, en frac, qui chantent ‘Je vous promets du sang et des larmes, ça, vous pouvez compter sur moi.’
Au piano, l’extraordinaire Lee Maddeford arrondit les angles. »

Alexandre Demidoff

 


 

Sas entre deux microcosmes léviniens

« Dans Cabaret il n’y a pas de continuité d’un sketch à l’autre. Les textes sont courts, il faut entrer très rapidement dans la situation et le rapport, explique Nalini Menamkat.

On est dans une concentration des enjeux : d’une certaine manière il y a dans chaque sketch une question de vie ou de mort, qui doit être très vite posée. » 

Composée par Daniel Perrin et Lee Maddeford, la musique sert alors les transitions, permettant aux comédiens de se retrouver avant de se lancer dans le sketch suivant. Inspirée des chansons de Levin, elle alterne les humeurs canailles et graves.


 

De quelle origine, le cabaret ?

« Il y a le cabaret allemand des années 1920 avec Karl Valentin, le cabaret ‘à l’américaine’ plutôt strass et paillettes, le cabaret français que j’associe aux peintures de Toulouse-Lautrec par exemple, enfin le cabaret que je dirais ‘plus suggestif’, avec ses femmes dénudées, ses effeuillages… »

« Ce que j’ai voulu retenir de la notion de cabaret, c’est, d’une part, la succession de numéros ou, dans notre cas, de textes courts. D’autre part un rapport de proximité avec le public. Cela permet une forme de convivialité, de proximité entre la salle et la scène, et entre les spectateurs. »

Nalini Menamkat, metteure en scène