La Duse
« En 1921, une chambre d’hôtel, à Merano (Haut-Adige), et La Duse qui écoute avec une attention passionnée la lecture du scénario de l’Exaltation.
Elle est prise.
Peut-être se retrouve-t-elle dans cette femme meurtrie par l’amour humain… Son émotion la bouleverse au point qu’elle doit quitter la chambre après le deuxième acte.
Et quand elle revient, c’est pour dire à l’auteur ébloui : — Oh ! oui, je la jouerai. »
Fille d’acteurs ambulants vénitiens, Eleonora Duse connaît son premier grand succès en 1879, à 21 ans, dans le rôle de Thérèse Raquin, adapté du roman de Zola.
Interprète des dramaturges français contemporains, de Giacosa, de Shakespeare, rivale de Sarah Bernhardt, intime d’Isadora Duncan et maîtresse du poète Gabriele D’Annunzio, la « Divina » domine les scènes européennes de la fin du XIXe siècle.
Acclamée pour la vérité et l’extraordinaire palette de son jeu, délaissant le maquillage de scène pour ne pas l’altérer, la Duse fascine dans les héroïnes d’Ibsen. Paris la portera aux nues en 1897 dans le rôle de Rebecca West (Rosmersholm).
Cette pièce serait son adieu
« Et elle ajoute avec des larmes :
— Si vous saviez !... ce drame, comme il est vrai, comme il me paraît l’image de ma vie !
Déjà elle appelait le troisième acte ‘mon adagio’. Et elle pressait l’auteur de l’écrire.
L’écrivain, comme malgré lui, se mit à sa table. La Duse était là, tout près, sa vertu d’animatrice décuplée par son désir.
Et l’Exaltation fut achevée en trois semaines. »
« L’actrice vêtue de son âme »
« Pendant le peu d’années que la Duse devait vivre encore, années de misères et de difficultés où la géniale artiste luttait contre la fatigue, le découragement, l’indifférence des imprésarios ruinés par l’après-guerre, elle ne cessa de songer à cette pièce qu’elle rêvait de créer avant de quitter le théâtre.
La destinée en décida autrement.
La Duse, contrainte d’accepter une tournée en Amérique, mourut à bout de forces, à Pittsburgh en 1924. »
Noëlle Roger